Territoire habité, territoire travaillé

Horizon pluriel n°39 /

Travailler et habiter dans des lieux différents est une réalité vécue par de nombreux professionnels. Lorsqu’on exerce un métier où il est essentiel de connaître l’espace où l’on travaille, comment fait-on ? Quelles pratiques professionnelles développer ? Regards avec Jean-François Besnard, médecin généraliste au centre de santé de Louvigné-du-Désert (Ille-et-Vilaine), créé il y 5 ans, avec un projet adapté au territoire et aux besoins de la population.

Saisir les forces et les fragilités

Médecin généraliste dans une zone d’intervention prioritaire selon l’agence régionale de santé Bretagne, Jean-François Besnard présente l’un des préalables : faire connaissance avec le territoire où l’on travaille. Cela se traduit par des rencontres « officielles » avec les ressources médico-sociales et sociales présentes, avec les élus. Cela consiste aussi en échanges informels avec les collègues, en participation à des réunions, des formations. 

Ces démarches permettent de saisir les caractères du territoire, ses lignes de fragilité et ses forces, en vue de les utiliser au bénéfice du parcours des patients. « Cette rencontre me semble plus facile sur le territoire de Louvigné par rapport à une ville où l’on se retrouve face à un mille-feuille de structures avec lesquelles il est parfois difficile d’échanger, par défaut de connaissance de leur existence ou de leurs missions », témoigne Jean-François Besnard.

Lors de mon arrivée j’ai rencontré des professionnels de santé non médicaux de la maison de santé pluriprofessionnelle (infirmières, ostéopathes, orthophonistes, etc.) motivés pour travailler ensemble : ça a contribué à la dynamique de création du centre de santé.

Adapter l'offre

Prendre connaissance du territoire où l’on travaille facilite l’adaptation de l’offre. Pour le centre de santé de Louvigné-du-Désert, cela se traduit notamment par :

  • La mise en place de matinées sans rendez-vous pour favoriser l’accès à un généraliste pour tous. « Cette pratique a l’avantage pour les patients de pouvoir se présenter au centre de santé avec la garantie d’avoir une consultation. Elle a l’inconvénient de créer de l’attente. Nous sommes ainsi continuellement dans l’échange afin de s’adapter aux demandes et besoins des patients et aussi à ceux des professionnels de santé », explique Jean-François Besnard.
  • Le plaidoyer auprès des élus du territoire pour développer des solutions de transport à moindre coût pour les consultations de spécialistes à Fougères ou à Rennes par exemple. « C’est un enjeu de politique publique indispensable pour répondre à cette problématique d’accès, spécifique au territoire de Louvigné-du-Désert », explique Jean-François Besnard.
  • Le maintien des visites à domicile et au sein de l’EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), afin de couvrir au mieux le territoire et l’ensemble de ses habitants.

Un mode de travail à s'approprier

Sur le plan personnel, travailler et vivre sur des territoires différents nécessite des déplacements, mais facilite aussi la coupure nécessaire entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

« C’est intéressant lorsqu’on souhaite vivre en milieu urbain tout en exerçant en milieu rural », explique Jean- François Besnard. Il ajoute que cette situation l’a amené à expérimenter de nouvelles pratiques telle qu’une journée hebdomadaire de téléconsultation. Sur le plan professionnel, cette configuration nécessite de s’investir pour rester connecté au territoire où l’on travaille. « Être attentif aux professionnels qui y vivent et y travaillent est essentiel car ils en ont une perception plus complète », témoigne Jean- François Besnard. Il ajoute : « C’est un préalable essentiel pour identifier les contraintes de la vie quotidienne liées au territoire et en tenir compte dans les parcours de soin ».

Ouvrir les frontières

Jean-François Besnard conclut avec la notion d’ouverture. Selon lui, réfléchir aux territoires qui composent nos vies personnelles et professionnelles, c’est aussi regarder comment on vit et on travaille ailleurs, à côté.

Dans le cadre du centre de santé, cet « ailleurs » permet de s’enrichir d’autres pratiques, de nouer de nouveaux partenariats et de répondre aux besoins des patients qui peuvent relever de ressources disponibles sur d’autres territoires

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