Santé et territoire : des frontières aux capacités ?

Horizon pluriel n°39 /

Depuis quelques décennies, le terme territoire en lien avec la santé n’a cessé d’être au cœur des débats et réformes développées en France. En 2009, la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST), proposée par le ministère de la Santé, fait de la notion du territoire son enjeu central pour l’organisation sanitaire et médico-sociale. Elle se traduit par la création des agences régionales de santé, des conférences régionales de santé et de l’autonomie, des programmes régionaux de santé et des contrats locaux de santé.

La dimension territoriale s’impose désormais et permettrait de mieux s’adapter aux besoins des populations. Cependant, si la santé « n’a pas de frontière », le territoire, ses limites, sa structuration, sont souvent imposés de manière descendante. A l’heure où les démarches territoriales en santé se multiplient, avec des limites qui parfois se superposent et deviennent peu lisibles, comment construire un territoire cohérent et qui fasse sens pour ses acteurs, professionnels, élus, citoyens ? En quoi les dynamiques de promotion de la santé peuvent-elles y contribuer ?

L’approche des capabilités d’Amartya Sen, prix Nobel d’économie et philosophe, nous éclaire : le territoire peut permettre de développer les « capabilités »* des personnes qui y vivent. Capabilités d’être : se nourrir, se loger, éviter les maladies par un environnement sain… Liberté d’agir : se déplacer, accéder à l’éducation, participer à la vie politique et sociale. Selon Sen, les populations ont un espace de vie délimité par leur capacité d’agir. On se heurte ici à la question des inégalités sociales et territoriales.

Étendre la capacité des personnes à exercer leur propre liberté au travers des territoires paraît alors essentiel. Le territoire devient un espace de mobilité et d’échanges, un espace qui fait sens, où l’on rompt avec cet effet pervers du territoire imposé.

Des campagnes aux petites villes rurales en passant par les grandes agglomérations : chaque territoire possède une grande richesse. La collaboration en confiance et la solidarité s’avèrent des atouts indispensables pour évoluer. Des méthodes existent pour y arriver, très souvent utilisées en promotion de la santé : diagnostics, rencontres, échanges avec les professionnels, mais aussi littératie en santé : la motivation et les capacités pour comprendre les enjeux de santé.

Ainsi, créer des environnements favorables à la santé, renforcer l’action communautaire (l’action avec les personnes concernées, ne pas confondre avec le « communautarisme »), développer les aptitudes individuelles, sont des enjeux prioritaires à mettre au centre des actions politiques. Il s’agit de s’engager pour, mais surtout avec les territoires. Les démarches de promotion de la santé deviennent alors un levier de création d’un territoire attractif, d’un territoire producteur de santé.

Dans ce nouveau numéro d’Horizon Pluriel, la notion de territoire dans la promotion de la santé est abordée sous différents axes, entre témoignages, analyse sociale et environnementale… et humour.

Bonne lecture ! 

Laura Rios Guardiola, Administratrice de Promotion Santé Bretagne

*Capability and Well-Being in M. Nussbaum, A. K. Sen, (eds.), (1993)

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