Observer les inégalités sociales et territoriales de santé

Horizon pluriel n°39 /

Avec Anne Brunner, directrice des études à l’Observatoire des inégalités.

La question des inégalités sociales et territoriales de santé apparaît de plus en plus dans le débat public et les médias. Cette dimension territoriale des inégalités de santé est souvent présentée avec la problématique des déserts médicaux. Or, ce n’est pas la seule approche à explorer. Relier les termes « social » et « territorial » pour observer les inégalités de santé est un levier pour identifier l’ensemble des déterminants qui influencent ces inégalités. Cela contribue à pointer des éléments appropriés pour mener des politiques nationales ou locales de santé. Pour l’Observatoire des inégalités, la notion de territoire correspond principalement à la géographie des inégalités de santé, dont le facteur majeur reste les inégalités sociales.

La géographie des inégalités de santé est essentielle pour comprendre l’état de santé des Français. Elle illustre aussi les milieux sociaux qui habitent les territoires.

Espérance de vie et composition sociale

Prenons l’exemple de l’espérance de vie : les données nous indiquent qu’elle diffère d’un territoire à l’autre. Elle varie selon la composition sociale du territoire, c’est-à-dire la population et les milieux sociaux qui habitent le territoire. L’espérance de vie des hommes dans les Hauts-de-Seine est de 81,9 ans, soit 5 ans de plus que celle observée dans la Creuse, le Pas-de-Calais ou l’Aisne1. Pour comprendre ces 5 années de différence, nous pouvons les mettre en regard avec ce qui est observé en termes de niveau d’éducation, de métier exercé, de pauvreté, de chômage, etc.

La population qui compose les Hauts-de-Seine, le Pas-de-Calais et la Creuse n’est pas la même. Alors que plus des deux-tiers de la population occupent des professions cadres ou intermédiaires dans les Hauts-de-Seine, plus de la moitié de la population active est ouvrière dans le Pas-de-Calais, l’Aisne et la Creuse. La géographie des inégalités de santé est essentielle pour comprendre l’état de santé des français, et elle illustre aussi les milieux sociaux qui habitent les territoires.

L'exemple des maladies chroniques

Un second exemple : l’observation des données cartographiées sur la prévalence du diabète, c’est-à-dire le nombre de cas de personnes reconnues comme diabétiques, mises à disposition par l’Assurance maladie2.

En 2020, pour 1 000 habitants3, la prévalence était de 49 à Paris, 76 dans le Pas-de-Calais, 93 en Seine-Saint-Denis et au-dessus de 100 dans la plupart des départements d’outre-mer. Ces données illustrent nettement des inégalités territoriales de santé, ou plutôt des inégalités de santé entre territoires.

En s’arrêtant sur cette observation territoriale, la conclusion pourrait être : le système de santé est moins bon là où le diabète est le plus élevé. Cependant, en observant ces données également sous le prisme social, on identifie un risque de diabète beaucoup plus important pour les populations issues des milieux sociaux populaires et ouvriers4, ce qui caractérise notamment les territoires du Pas-de-Calais, de la Seine-Saint-Denis et des Outre-mer.

Les inégalités de santé se construisent tout au long de la vie

À travers ces deux exemples, on lit comment les inégalités sociales et territoriales de santé sont à observer de manière complémentaire et au regard des déterminants de la santé. En effet, elles se construisent tout au long de la vie à travers les conditions de vie, de logement, la pénibilité du travail, l’accès au soin, le stress lié à la précarité, au chômage, le niveau d’éducation, l’alimentation, etc.

La manière dont on va comprendre la santé et ce qui l’influence, impacte la manière dont on y répond en termes de politiques publiques, de prévention et de moyens.

À quels niveaux agir ?

Selon l’Observatoire des inégalités, réduire les inégalités sociales et territoriales de santé, c’est se préoccuper de l’accès au soin partout en France mais aussi, mener des politiques nationales et visibles de lutte contre la pauvreté, contre le chômage, contre l’insalubrité des logements, contre la pollution, etc.

Cette lutte doit se faire à plusieurs niveaux : national et territorial. Les politiques publiques, même au niveau local, ont une influence sur les inégalités de santé. Cela ne signifie pas que les inégalités sont dues au territoire, mais invite plutôt à adapter les moyens à la santé de la population d’un territoire, à sa composition sociale. S’appuyer sur des données sociales et territoriales pour observer des inégalités parait essentiel pour comprendre la situation d’un territoire et mener des politiques publiques adaptées.

1Observatoire des inégalités, Les inégalités d’espérance de vie entre les catégories sociales se maintiennent, avril 2020, en ligne
2Assurance maladie, Carte Prévalences standardisées des personnes prises en charge pour diabète par département en 2020, en ligne
3Données de 2020, standardisées sur l’âge et le sexe et par département
4Observatoire des inégalités, Les plus pauvres sont davantage concernés par les maladies graves de longue durée, novembre 2022, en ligne 

L’Observatoire des inégalités

L’Observatoire des inégalités est un organisme indépendant. Fondé en 2003, il dresse un état des lieux des inégalités en France, en Europe et dans le monde dans différents domaines (revenus, éducation, emploi, etc.) ou entre catégories de population (milieux sociaux, genre, âge, etc.).

Il produit des articles qui présentent des données sur un sujet, complétées d’une courte analyse qui porte sur la validité des chiffres, ainsi que sur leur portée. Ces éléments permettent notamment à l’Observatoire de présenter tous les deux ans le Rapport sur les inégalités en France.

Plus d’infos sur www.inegalites.fr

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