Métiers du soin et de l’accompagnement : comment améliorer la qualité de vie et des conditions de travail ?
Horizon pluriel n°40 /
L’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) Bretagne est l’une des 16 directions régionales de l’Anact, établissement public (anact.fr). Elle développe des projets d’amélioration des conditions de travail, pour la performance des organisations, adaptés aux besoins locaux, en associant les professionnel.le.s, leurs représentant.e.s et les directions.
Par Damien Leduc et l’équipe Aract Bretagne.
Les métiers de la prise en soin ou de l’accompagnement sont essentiels : ils sont précieux, mais aussi fragilisés. La santé au travail de ces professionnel·les devient un véritable enjeu pour les établissements, entre attractivité, fidélisation, maintien en emploi et engagement des transformations organisationnelles et numériques.
Depuis 2016, l’Aract Bretagne intervient en faveur de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) au sein d’établissements sanitaires et médicosociaux de la région, en lien avec l’agence régionale de santé (ARS), la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), la région Bretagne, et différents OPCO (opérateurs de compétences) : ANFG, OCPO Santé, Cnfpt.
Pour amorcer la réflexion, les professionnel.le.s des établissements sont invités à se poser d’abord la question de l’existant : ce qui est favorable aujourd’hui à la qualité de vie et aux conditions de travail, ce qui peut être préservé ou renforcé ; ce qui la limite ou la contraint, voire l’empêche.
Vient alors la question des leviers d’action à engager : sur lesquels mobiliser les équipes dans une logique de progrès ? Ou dans le cadre d’un changement prévu et qui ouvre de nouvelles marges de manœuvre ?
Les leviers d’amélioration
Face aux difficultés rencontrées, les leviers d’amélioration peuvent être résumés ainsi :
- Pratiquer un management plus participatif. Il s’agit de favoriser l’expression sur le travail, la possibilité offerte à chaque professionnel.le de contribuer à améliorer l’existant, d’être acteur des changements.
Il est aussi intéressant de favoriser les coopérations et les collaborations au sein des équipes, et entre les équipes.
Cela permet de renforcer les capacités à faire face collectivement à des situations complexes et instables, et ainsi de réduire les risques portant sur la santé psychique ;
- Repenser l’organisation du temps de travail, s’autoriser à innover : durée des journées de travail, organisation des roulements, pour garantir la qualité de service au bénéficiaire, mais aussi préserver les équilibres de temps de vie personnelle et professionnelle ;
- Adapter les moyens et équipements de travail aux contraintes de l’activité, afin de limiter les sollicitations physiques et cognitives et ainsi préserver la santé ;
- Améliorer les parcours de professionnalisation et offrir des perspectives d’évolution professionnelle;
- Renforcer le dialogue social, en permettant un exercice de l’activité de représentation des professionnel·les dans de bonnes conditions : cela favorise un climat social apaisé et des transformations engageantes et soutenables pour toutes et tous.
Ces registres d’actions « à la main » des établissements sont à regarder à l’aune d’autres dimensions, elles aussi essentielles pour contribuer à une attractivité large et durable : la qualité du cadre de vie sur le territoire, l’image des métiers qui est soutenue par les acteurs politiques et institutionnels, les dispositifs et programmes institutionnels qui initient certaines transformations.
Participation et concertation
A chaque établissement, chaque territoire sa « recette qualité de vie et des conditions de travail ». Dans tous les cas plusieurs acteurs sont à mobiliser dans ces démarches : les représentants de la gouvernance, la direction, l’encadrement, les professionnel.le.s, les acteurs du dialogue social. Il est aussi utile de prévoir une place pour les patients / bénéficiaires / résidents et/ou leurs représentants.
Ce qui nous paraît essentiel, c’est de travailler de manière concertée, dans le dialogue social, et de manière participative, en y associant les professionnel.le.s qui réalisent l’activité de travail : informer, outiller, coconstruire, accompagner, former.
La dimension collective entre établissements mérite également d’être encouragée. Des solutions peuvent émerger en étant pensées collectivement, entre professionnel·les, au-delà d’un seul établissement, ou avec le soutien d’acteurs externes pertinents, à l’échelle d’un territoire par exemple.
Le secteur de la prise en soin et de l’accompagnement a de très nombreux atouts à faire valoir auprès des professionnels, actuels ou futurs. Ce secteur porte dans ses activités la relation à l’autre, l’aide et l’utilité, le travail collectif et les coopérations, toutes les dimensions d’un travail qui permette de « trouver du sens ».
🔎 Agir pour l’attractivité du métier d’aide-soignant
Un co-financement ARS Bretagne et OPCO Santé a permis l’accompagnement de six EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et deux MAS (maisons d’accueil spécialisées). Les principaux facteurs d’attractivité identifiés par les professionnel.le.s sont la qualité de la relation avec les personnes accompagnées, la conciliation des temps vie privée – vie professionnelle, l’environnement de travail et la charge de travail. Les principaux freins sont des tensions dans l’équipe, l’image négative de l’accompagnement et de la prise en soin de la personne, le travail le week-end ou en coupure (par exemple, travailler le matin et en fin de journée, plutôt que de manière continue).
Les pistes de travail communes aux établissements portent sur l’accueil des nouveaux salariés et le tutorat, les échanges et la communication entre professionnel.le.s pour garantir la cohésion d’équipe, les horaires et les plannings. L’élaboration de réponses adaptées aux besoins individuels des résidents importe aussi, avec l’augmentation de la dépendance. La communication à l’extérieur des établissements a également été identifiée.
Chaque établissement, selon ses enjeux et ses ressources, a construit sa propre définition de la qualité de vie et des conditions de travail et a mis en œuvre les actions selon les remontées du terrain. Ouvrir la réflexion avec les acteurs du territoire et de la branche a enrichi le dialogue et élargi les actions possibles.
🔎 La santé des organisations passe aussi par celle des cadres
Les indicateurs sont préoccupants : turnover dans les fonctions, augmentation des demandes de disponibilité, des arrêts, moindre attractivité des fonctions pour les étudiants. L’Aract a invité Christelle Routelous, enseignante-chercheuse à l’EHESP, Ecole des hautes études en santé publique, à participer à une journée d’échanges.
Quelques pistes : créer un environnement de travail qui soit salutogénique[1] (favorable à la santé et au bien-être), soutenir le pouvoir d’agir, renforcer les compétences psycho-sociales. La santé organisationnelle passe aussi par le « sens partagé » qui créée de la cohésion, par une hiérarchie aplanie qui fait la place aux projets et à l’amélioration continue du fonctionnement, par le développement de l’autonomie des équipes.
[1] « La pénibilité au travail dans les EHPAD… Et si le management « salutogénique » était une solution ? ». C. Routelous, C. Ruiller, G. Lux. Revue Gestion et management public. 2021/1 Volume 9.