Martinique : adapter les programmes nationaux aux territoires
Horizon pluriel n°39 /
Entretien avec Didier Chatot-Henry, praticien hospitalier au centre hospitalier universitaire de Martinique et président de Promotion Santé Martinique et Karyne Pierre-Louis, directrice de Promotion Santé Martinique.
4 territoires en 1
La Martinique est un territoire qui se définit à travers ce que partagent ses habitants : la culture, l’histoire et les habitudes de vie. Il existe des particularités propres, essentielles à connaître pour y déployer des projets en promotion de la santé. L’une des principales est la cohabitation de quatre territoires sur le sol martiniquais :
- le centre, qui regroupe les 3 plus grande villes. « C’est le poumon économique de la Martinique, avec des problématiques urbaines, d’infrastructures, de réseau, etc. », expliquent nos interlocuteurs ;
- le nord atlantique, marqué par un bassin économique difficile, une absence de projets en santé publique, une désertification médicale et une forte activité agricole ;
- le nord caraïbe, qui présente ces mêmes problématiques sociales et économiques et qui possède des ressources différentes issues de la terre ;
- le sud, caractérisé par le tourisme, un sol plat et chaud, provoquant des difficultés d’irrigation et des sécheresses.
Travailler en proximité
« Ces différences nous amènent à développer une approche spécifique par territoire, à adapter nos projets, actions et messages. C’est une question de territorialisation et surtout de proximité » expliquent Karyne Pierre-Louis et Didier Chatot- Henry.
Promotion Santé Martinique contribue à la réalisation des diagnostics de territoire dans le cadre du déploiement des contrats locaux de santé. L’association réalise aussi l’accompagnement et la formation en méthodologie de projet et littératie en santé des coordonnateurs territoriaux des politiques de santé publique. Ces professionnels sont soutenus par l’agence régionale de santé Martinique afin de renforcer l’approche locale des questions de santé.
Créole ou littératie en santé ?
En développant une connaissance fine du territoire, Promotion Santé se mobilise pour adapter les programmes et campagnes issus de la France hexagonale à la Martinique. « Beaucoup d’efforts sont réalisés. Aujourd’hui, l’agence régionale de santé adapte systématiquement les programmes, ce n’était pas toujours le cas avant », expliquent nos interlocuteurs.
Par le passé, certaines campagnes ont pu manquer leur objectif. Par exemple, celle déployée dans le champ de la nutrition avec le message « 5 fruits et légumes par jour ». Elle ne résonnait pas de la même manière auprès de la population martiniquaise. Un « légume » correspondant à un « légume racine », le message interrogeait.
« On pourrait aussi croire qu’utiliser le créole serait pertinent. Or, c’est une langue essentiellement orale. Ce qui fonctionne, c’est la littératie en santé : expliquer les messages et les adapter à la population et aux territoires »
La campagne nationale « Vaccin’action » a aussi été adaptée. Promotion Santé y a travaillé pour reformuler les messages et utiliser des illustrations davantage représentatives de la Martinique et de sa population. « La vaccination est un sujet sensible ici, il était essentiel de réaliser ces adaptations avant la diffusion », indiquent nos interlocuteurs.
Favoriser l'appropriation
Ces exemples illustrent l’importance d’adapter pour favoriser l’appropriation des programmes. Nos interlocuteurs insistent sur cette vigilance, qui ne remet pas en question la nécessité d’appliquer ces programmes et campagnes en Martinique. « Nous ne recherchons pas à être connus uniquement pour nos spécificités, nous souhaitons que les programmes nationaux puissent être déclinés, transférés et adaptés sur nos territoires. La priorité reste commune : la santé », précisent nos interlocuteurs. Pour assurer cette transférabilité dans le temps, Promotion Santé Martinique termine en soulignant la nécessité d’expliquer ces adaptations aux financeurs, afin de les pérenniser. « C’est un vrai enjeu de promotion de la santé, de littératie en santé ».