La Fédération Hospitalière de France déploie la responsabilité populationnelle
Horizon pluriel n°40 /
Par Ivan Lecourt, chargé de mission, pour la FHF (Fédération Hospitalière de France) Bretagne.
Développée à partir de 2003 au Québec, puis portée et déployée en France depuis 2017 par la Fédération Hospitalière de France (FHF), l’approche de responsabilité populationnelle est fondée sur une vision radicalement différente de notre système de santé. Il est conçu, non plus comme basé sur la prise en charge des malades, mais sur la prise en charge d’une population afin de viser son maintien en bonne santé.
La FHF a contribué à faire inscrire dans la loi cette démarche qui est au cœur de sa stratégie de santé. L’article 20 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé stipule ainsi que, désormais, « l’ensemble des acteurs de santé d’un territoire est responsable de l’amélioration de la santé de la population de ce territoire ainsi que de la prise en charge optimale des patients de ce territoire ».
La démarche de responsabilité populationnelle repose sur une méthodologie, mise au point avec l’ensemble des sociétés savantes médicales concernées. Elle est organisée en plusieurs étapes autour de réunions cliniques associant l’ensemble des acteurs de la santé, au sens large, d’un bassin de vie.
Etape 1 : Choisir une population et stratifier ses besoins
Le choix de la population se fait en fonction de ses besoins, des indicateurs de santé, de l’organisation existante sur le territoire, et de l’engagement des acteurs à agir ensemble sur un besoin de santé identifié.
Le modèle déployé par la FHF depuis 2018 dans 5 territoires pionniers concerne deux pathologies chroniques : l’insuffisance cardiaque et le diabète de type 2. La population est classée, à partir des bases de données de santé disponibles, en « strates » en fonction de ses besoins de santé.
Etape 2 : Elaborer un programme clinique pour la population choisie
L’objectif de la démarche de responsabilité populationnelle est d’éviter que les personnes présentant des facteurs de risque (strate 1) développent la pathologie, et d’éviter que les personnes atteintes de la pathologie (strates 2 ou 3) voient leur état se dégrader (strate 3 ou 4).
Pour cela, on part d’une population, des données de santé, des recommandations de bonnes pratiques associées à chaque profil de patient (chaque strate) et on définit collectivement l’organisation à mettre en place pour le maintien en santé (maintien dans la strate) et les actions de prévention.
Une équipe pluridisciplinaire capable d’animer les réunions cliniques et un réseau de partenaires intéressés par le projet sont ensuite mis en place (médecins en ville, professionnels libéraux, dont en particulier les CPTS, communautés professionnelles territoriales de santé, professionnels hospitaliers, associations de patients ou acteurs de la prévention…).
Les acteurs du territoire élaborent en commun un programme clinique adapté à la population ou à la strate choisie. Ce programme mobilise les ressources disponibles sur le territoire. L’objectif est de parvenir à un consensus sur l’état de santé de la population visée, de faire émerger les meilleures pratiques, les actions à mettre en œuvre en priorité et les indicateurs à retenir pour suivre l’atteinte des objectifs retenus.
Etape 3 : Elaborer un programme clinique pour la population choisie
A cette étape, on recherche les patients correspondants aux critères retenus pour leur proposer d’être inclus dans la démarche. Les programmes sont ensuite lancés avec une procédure d’analyse en continu pour évaluer ce qui fonctionne bien ou moins bien.
Les objectifs à terme sont de réduire l’incidence du diabète et de l’insuffisance cardiaque par la mise en place d’actions de prévention et dépistage. Il s’agit aussi de diminuer les complications grâce à la mise en œuvre de programmes d’action coordonnés ville-hôpital de soin et de prévention.
Des résultats tangibles
La démarche de responsabilité populationnelle produit des résultats tangibles et favorables qui ont pu être évalués dans les 5 territoires pionniers. De janvier 2022 à janvier 2024, ont été constatées une réduction de 33 % de la part des séjours de patients diabétiques entrant par les urgences, une augmentation de plus de 20 % de la part de séjours ambulatoires, et une diminution de moitié des séjours longs.
Au 1er octobre 2024, c’étaient plus de 928 professionnels de santé qui participaient aux programmes, auxquels s’ajoutent 86 usagers-partenaires et même des citoyens ambassadeurs. En s’appuyant sur un réseau de 130 partenaires locaux (associations, services des collectivités, établissements médico-sociaux médecine du travail, etc.), près de 950 actions de prévention primaire et d’aller-vers les publics les plus fragiles ont été menées. Ces actions ont conduit au dépistage de 14 300 personnes à risque, et à la sensibilisation de plus de 17 300 personnes aux risques du diabète de type 2 et de l’insuffisance cardiaque. 5 000 patients sont inclus et suivis dans des parcours ville/hôpital adaptés en France (3 800 pour le diabète de type 2 et 1 200 pour l’insuffisance cardiaque).
Le déploiement de l’approche populationnelle en Bretagne
Le bassin de vie de Cornouaille, autour de Quimper, a été l’un des 5 territoires pionniers, à expérimenter la démarche de responsabilité populationnelle autour du diabète de type 2 à partir de 2019.
Avec l’appui de la FHF Bretagne, en lien notamment avec l’inter-URPS (union régionale des professionnels de santé) de Bretagne, la démarche de responsabilité populationnelle se déploie progressivement sur d’autres territoires en fonction des dynamiques locales.
Le déploiement de cette démarche dans notre région a connu un temps fort avec l’organisation le 13 septembre 2024, à Rennes, des premières rencontres régionales de la responsabilité populationnelle. Elles ont eu lieu en présence de Mme Elise Noguéra, directrice générale de l’ARS Bretagne, de Mme Zaynab Riet, déléguée générale de la fédération hospitalière de France, de Mme Ariane Benard, vice-présidente de la FHF Bretagne et du Dr Thierry Labarthe, président de l’URPS médecins libéraux de Bretagne.
Certains conseils territoriaux de santé ont inscrit le déploiement de la responsabilité populationnelle dans leur plan d’action territorial. Des comités de pilotage ont été constitués et des liens se tissent progressivement entre acteurs des territoires pour des actions de santé résolument tournées vers la prévention et la promotion de la santé.
La FHF Bretagne est l’une des 18 Fédérations hospitalières régionales. Elle fait le lien avec les établissements sanitaires et médico-sociaux de son territoire et oeuvre à leurs côtés. La FHF Bretagne travaille au renforcement du service public de santé réunissant dans chaque territoire les professionnels des secteurs sanitaires et médico-sociaux afin d’améliorer la cohérence des parcours de soins et de vie. Son rôle consiste à promouvoir l’hôpital public et les établissements médico-sociaux, informer et former les professionnels, représenter les établissements et animer la fédération.
Plus d’infos : www.fhf.fr/en-regions/bretagne