Du lieu de soin au lieu de santé ?
Horizon pluriel n°40 /
Le titre de ce numéro, « Lieu de santé, promoteur de santé », peut paraître redondant. Il serait sans doute plus juste de l’intituler « Lieu de soin, promoteur de santé » pour rendre compte de la tension que les différents acteurs concernés tentent d’apaiser.
Comme l’exposait la charte d’Ottawa il y a près de 40 ans « (…) les personnels de santé sont quant à eux particulièrement responsables de la médiation entre les intérêts divergents qui se manifestent dans la société à l’égard de la santé ». Et pourtant, l’approche biomédicale de la santé comme absence de maladie reste quasiment omnipotente dans les lieux de soins, bien loin du bien-être visé par l’organisation mondiale de la santé.
La recherche du bien-être, l’approche globale de la santé, renvoient à une analyse systémique des déterminants de la maladie. Elles permettent donc d’améliorer les prises en soins en favorisant la
prise en compte des besoins des patients (sur le modèle de l’éducation thérapeutique du patient). Et ainsi, elles permettent également de renforcer la qualité de vie au travail des professionnels, en mettant l’accent sur le sens des actions : qui a choisi ce métier pour mal prendre en soins les
personnes ?
L’approche globale de la santé est naturellement une approche complémentaire de l’engagement des usagers dans les soins et dans leur organisation, et du partenariat entre usagers et professionnels, le niveau le plus élevé d’engagement. Le partenariat avec les usagers se comprenant comme une co-construction, associée à une co-décision et à une co-mise en action.
Comme le note Angela Coulter1, sociologue britannique, les patients atteints d’une maladie chronique ont en moyenne une dizaine d’heures par an d’interactions avec le système de soins, alors qu’ils (eux-mêmes et leurs aidants) passent près de 7 000 heures par an à vivre avec leur(s) maladie(s). D’où l’importance pour les soignants du « faire avec » ! Et de comprendre, comme le rappelle la philosophe Cynthia Fleury2, que « la vulnérabilité est une ressource ».
Mais le « faire avec » et le développement de la promotion de la santé ne s’improvisent pas dans un environnement aussi technique que les lieux de soins, surtout hospitaliers. Cela nécessite l’appropriation, d’une part, d’un type de littératie en santé pour les patients et aussi les soignants car comme le rappelle Isabelle Aujoulat3, les soignants hospitaliers sont confrontés à des contradictions « éthiques et organisationnelles, du fait de leur manque de culture en promotion de la santé ». Et d’autre part, le renforcement de compétences spécifiques, notamment psychosociales.
Si le développement de la promotion de la santé dans les lieux de soins s’appuie sur un ensemble
de textes qui se sont multipliés ces dix dernières années, il nécessite donc également le soutien des gouvernances et un accompagnement méthodologique par des « facilitateurs ». Pour aider notamment à tisser des liens entre attentes, besoins, cultures, vocabulaires qui, au départ, diffèrent.
Ces facilitateurs peuvent se trouver au sein des établissements ou de structures et réseaux d’appui, comme celui des « lieux de santé promoteurs de santé » ou de Promotion santé. Ils ont pour vocation d’aider à l’émergence d’expériences dans différents lieux de soins.
Le numéro 40 d’Horizon Pluriel rend bien compte, à travers les différents témoignages, les analyses, et parfois une pointe d’humour, de la diversité et de la vitalité des initiatives et des appuis afférents.
Bonne lecture !
Pascal Jarno, Président de Promotion Santé Bretagne
1 Coulter A. Engaging patients in healthcare. Londres (Royaume-Uni) : Open University Press ; 2011
2 Fleury C. Le soin est un humanisme. Galimard. 2019. 48 pages
3 Aujoulat I. In. La promotion de la santé dans le monde francophone – comprendre pour agir. EHESP. 2020. 580 pages.