Créer un centre de santé communautaire : faire avec et ensemble
Horizon pluriel n°40 /
Cet automne, le centre de santé communautaire L’Atelier en santé a ouvert ses portes à Plounéour-Ménez, dans le Finistère. Cette association compte 9 membres bénévoles, qui ont œuvré ensemble pour la création de ce centre de santé, animés par l’envie de pratiquer la santé autrement.
Entretien avec l’équipe de l’Atelier en santé, réalisé avant l’ouverture du centre de santé communautaire.
Comment définissez-vous la santé communautaire ?
La santé communautaire correspond à la prise en compte de la santé comme bien commun1. C’est le souhait d’inclure l’ensemble des parties prenantes d’un territoire sur les questions de santé en les rendant toutes actrices : soignant·e·s, patient·e·s, habitant·e·s, institutions publiques, associations, etc. Cela s’inscrit dans les démarches d’empowerment ou encapacitation2 des personnes sur la santé et sur leurs santés.
La dimension communautaire du centre de santé répond à cette notion de bien commun. Elle renvoie également à la communauté formée par les professionnel·les et les usager·e·s, mais aussi à la communauté des acteurs du territoire (tissu associatif, institutionnels, économiques) dont le centre de santé fait partie et avec lesquels il a vocation à collaborer au bénéfice de la population.
En pratique, elle prend forme avec l’implication, à différents niveaux et sous diverses formes, des usager·e·s dans la vie du centre de santé communautaire. Les personnes participent à la vie du centre par la définition des besoins en actions de prévention – promotion de la santé, la proposition d’activités liées à la santé (ateliers thématiques, groupes de paroles, etc.) ; le tout en concertation avec les différentes parties prenantes. L’idée de « faire avec et ensemble » est une dimension centrale de la santé communautaire.
La pratique du soin communautaire repose sur plusieurs propositions majeures :
- le domaine médical n’a pas l’apanage du « prendre soin ». Les patients possèdent des savoirs et des savoir-faire en matière de santé. Prendre soin requiert de tenir compte de l’ensemble des déterminants de la santé, comme l’éducation, le logement, l’alimentation, les conditions de vie et de travail, etc. ;
- envisager la santé de manière globale et collective permet de favoriser la reprise du pouvoir d’agir par une population sur sa santé.
Pouvez-vous présenter l’Atelier en santé ?
L’Atelier en santé est une association loi 1901 qui porte ce projet de création d’un centre de santé communautaire à Plounéour-Ménez. L’association a posé ses valises dans la commune après avoir identifié, sur les cartographies statistiques proposées par l’agence régionale de santé Bretagne, un déficit en offre de soin médical sur le territoire des Monts d’Arrée. C’est après une rencontre avec l’équipe municipale et certain·e·s habitant·e·s que les membres initiateurs du projet ont senti un terreau fertile au développement de l’aspect communautaire du projet, avec un soutien des différentes parties prenantes. Les autres déterminants pris en compte par les premiers membres de l’association étaient la distance domicile-travail et le souhait de travailler en milieu rural.
Nous sommes actuellement 9 personnes bénévoles à veiller au montage du centre qui devrait ouvrir ses portes pour l’automne 2024. Une équipe de deux médecins généralistes, une sage-femme et un kinésithérapeute est d’ores et déjà prévue en attendant le recrutement d’autres professionnel·le·s de santé ainsi que le personnel accueillant et administratif.
Quelles sont les particularités de l’Atelier en santé ?
La particularité de L’Atelier en santé réside dans cette implantation en milieu rural, contrairement à la plupart des centres de santé communautaire existants en France, plutôt implantés en milieu urbain, dans les quartiers politique de la ville (QPV), où les besoins et les problématiques en santé ne sont pas les mêmes.
Notre centre de santé repose sur des valeurs communes : l’accessibilité aux soins pour tous et toutes, l’accueil inconditionnel, une approche globale (médico bio psycho sociale et environnementale), la solidarité et la justice sociale, la convivialité, l’inclusivité, l’aller vers et la prévention en santé.
Comment les habitants ont-ils été intégrés à votre projet ?
Des bénévoles habitant·e·s de la commune se sont intégré·e·s au projet en proposant des événements, des activités en lien avec la santé. Un ciné-débat sur la santé communautaire a, par exemple, eu lieu en mars dernier et a été co-organisé et co-animé entre les futurs professionnel·les du centre et les habitant·e·s bénévoles.
Quelle gouvernance pour votre équipe de bénévole ?
L’équipe fonctionne actuellement en gouvernance partagée : les décisions sont pesées et portées collectivement, la responsabilité étant partagée entre ses membres. La gouvernance s’inspire des modèles sociocratiques et notamment de la gouvernance en cercle3. Ce principe s’étendra à l’équipe salariée et inclura une part des habitant·e·s et usager·e·s du centre.
Rencontrez-vous des défis ?
Les centres de santé communautaire n’étant pas des structures encore très répandues, nous nous confrontons à la difficulté à trouver les financements nécessaires, qui pourraient notamment aider à financer des postes de professionnel·le·s de santé « non rémunérateurs » pour la structure (psychologue, médiateur.rice en santé, accueillant·e…). Des financements expérimentaux existent pour les centres de santé communautaire installés en quartiers politique de la ville, mais n’incluent pas les zones rurales.
Vous avez aussi lancé un diagnostic communautaire : comment avez-vous procédé ?
Nous avons démarré notre diagnostic communautaire en 2023 sous la forme d’actions publiques et individuelles, après une première phase d’analyse des données publiques socio-démographiques en santé.
Nous avons démarré par des temps d’animation lors de certains évènements publics de Plounéour-Ménez (marché, sortie de l’école publique…). Ils avaient pour but de récolter des informations sur le regard que portent les habitant·e·s sur leur santé, ainsi que sur leurs besoins en la matière.
Dans un même temps, des entretiens individuels semi-directifs ont été entrepris avec des habitant·e·s volontaires pour échanger sur leur vie dans la commune, leur vision de la santé, leurs difficultés, etc. Interroger des personnes aux profils différents permet d’avoir un aperçu global des problématiques du territoire. Ces entretiens sont toujours en cours de réalisation et des « focus groupes » (temps d’échanges collectifs thématiques) sont aussi prévus. Une analyse de ces différentes informations sera par la suite réalisée, pour faire en sorte que notre centre de santé communautaire réponde au mieux aux besoins des usager·e·s.
🔎 Un réseau des centres de santé communautaire
A l’échelle nationale, un réseau commence à se structurer en s’appuyant sur les centres de santé communautaires « historiques ». En Bretagne, des rencontres annuelles ont lieu depuis quelques années pour permettre aux centres de santé communautaires de s’entraider dans leurs actions et d’échanger sur leurs pratiques respectives.
Plus d’infos : reseau-cdsc.fr
1L’équipe de L’Atelier en santé s’est nourrie de réflexions de différents acteurs autour du concept de commun, et de la lecture du livre Le Retour des communs de Benjamin CORIAT.
2Filippi M. Au-delà de l’autonomie, l’empowerment. Le Sociographe. 2013; Hors-série 6(5):193 203.
3Autre exemple local, l’association RESAM pratique également ce modèle de gouvernance : www.resam.net