Contrats locaux de santé (CLS) : territorialiser les politiques de santé

Horizon pluriel n°39 /

Entrevues avec Gaëlle Stricot Berthevas, présidente du Pôle d’Equilibre Territorial et Rural (PETR) du Pays de Ploërmel-Coeur de Bretagne, Karine Réto, cheffe de projets Contrat Local de Santé (CLS) Est-Morbihan porté par le PETR et Floriane Mercier, chargée de mission du CLS du pays de Saint-Malo.

Le contrat local de santé (CLS) est un « outil de territorialisation de la politique de santé ». Il propose et met en œuvre un programme d’actions visant la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, en déclinant les priorités du projet régional de santé au niveau local.

Le CLS fédère l’ensemble des acteurs de santé d’un territoire sur les thématiques de la promotion de la santé telles que la santé-environnement, de la prévention, des politiques de soin et de l’accompagnement médico-social. Il est piloté par une commune ou une intercommunalité (EPCI ou PETR), l’agence régionale de santé et la préfecture, et il est coordonné par un.e ou plusieurs chargé.e.s de mission. Le territoire d’implantation d’un CLS est variable.

Il regroupe généralement plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et doit s’étendre sur une superficie incluant au moins 50 000 habitants.

Concrètement, à quoi correspond cette territorialisation de la santé et comment se traduit-elle ?

Territorialiser la santé pour s'adapter

Un CLS conçoit et met en œuvre ses actions dans la proximité, sans qu’elles soient forcément identiques sur l’ensemble de son territoire. « Dès le départ, on avait conscience de la diversité des territoires présents sur l’Est-Morbihan, on sait qu’on va réaliser des actions globales et certaines plus spécifiques », explique Karine Reto. Comment prévoir et réfléchir à ces adaptations ? 

Le diagnostic 

Qu’il s’agisse d’un premier, deuxième ou troisième CLS, le diagnostic1 du territoire est un préalable. Il est essentiel pour adapter les orientations aux besoins du territoire. Généralement très documenté, il s’appuie sur des observations et études existantes. Il doit être complété par une approche participative auprès des acteurs de la santé du territoire, des élus et de la population. Il permet d’illustrer les spécificités territoriales. Par exemple, il a mis en évidence la répartition des ressources de santé, des acteurs et des besoins sur le territoire du pays de Saint-Malo.

Le diagnostic est un préalable essentiel pour adapter les orientations aux besoins du territoire.

Les fiches-actions 

Les CLS sont conclus pour cinq ans. Ils suivent un programme de fiches-actions, rédigées après le diagnostic, qui détaillent les thématiques à prioriser et les actions à mener. Nos interlocutrices rappellent que l’une des priorités de ces fiches est de territorialiser, c’est-à-dire de les adapter aux échelles territoriales concernées. Concrètement, chaque fiche-action précise si l’action sera menée à l’échelle du territoire du CLS, d’un EPCI ou d’une commune et pourquoi. Les chargées de mission soulignent aussi l’intérêt de l’expérimentation à une petite échelle, qui permet ensuite, si c’est pertinent, de l’essaimer sur d’autres territoires du CLS ou sur son ensemble.

Adapter les actions 

Avant d’engager des actions sur une thématique à destination de l’ensemble ou d’une partie du territoire d’un CLS, il est essentiel d’identifier sa maturité sur cette thématique : y-a-t-il des acteurs qui travaillent sur ce sujet ? Qui sont-ils, que font-ils ? À qui s’adressent-ils ? 

Gaëlle Stricot Berthevas explique, par exemple, que la santé mentale est un sujet travaillé depuis plusieurs années sur la partie nord du territoire. Un contrat local de santé mentale (CLSM) va notamment y être constitué. La partie sud, qui rejoint le CLS, ne sera pas intégrée dans un premier temps car un travail de sensibilisation et d’acculturation est à engager avec les élus et les acteurs concernés. Pour autant, elle pourra bénéficier d’actions menées par le CLSM, comme par exemple la formation « sentinelle 2».

Travailler avec...

Un autre enjeu de la territorialisation de la santé à travers un CLS, et l’une de ses principales missions, est de travailler avec les professionnels du sanitaire, du médico-social, du social et avec les élus. L’un des leviers pour y parvenir : favoriser l’interconnaissance. Savoir qui fait quoi, sur quelle thématique et auprès de qui, est important pour la mise en œuvre d’un CLS.

Pour favoriser cette interconnaissance sur les sujets portés par un CLS, Floriane Mercier identifie deux approches :

  •  une approche par public ou par thématique, visant à réunir l’ensemble des acteurs concernés sur le territoire du CLS afin d’avoir une vision partagée. Par exemple, le CLS de Saint-Malo déploie actuellement cette approche en santé-environnement, sur la thématique de l’urbanisme favorable à la santé, en interrogeant les acteurs concernés du territoire sur ce sujet ;
  • une approche territoriale, rassemblant les acteurs d’une partie du CLS, tel qu’un EPCI, concernés par les thématiques portés par le CLS.

Cette interconnaissance est essentielle avec l’arrivée de nouveaux dispositifs : les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les dispositifs d’appui à la coordination (DAC). Ces structures ont des enjeux communs avec les CLS, tels que la promotion de la santé, et des actions similaires, telle que la prévention du cancer. Cette configuration pose des questions organisationnelles : qui fait quoi ? Comment travaillons-nous ensemble ?

« Si le CLS était signé maintenant, ce serait peut-être fait différemment avec des articulations précisées entre le CLS, les DAC et CPTS », explique Floriane Mercier. Pour le CLS Est Morbihan, le fait que l’espace autonomie santé Est Morbihan ait été porté initialement par le PETR pour le compte des 4 EPCI et 3 communes, puis ait été transformé en DAC en le transférant vers une nouvelle association, a permis de favoriser l’interconnaissance des dispositifs et la décision de travailler sur le même territoire d’intervention. Travailler avec la population est aussi à l’ordre du jour des CLS, pour associer des habitants, usagers et citoyens aux projets.

La santé n’a pas de frontières Territorialiser la santé à travers le CLS, c’est travailler à plusieurs échelles. « Cette « démarche pays » permet à des communes de se sensibiliser et s’engager en faveur de la santé, de s’inscrire sur des thématiques santé et d’en bénéficier », explique Floriane Mercier.

La santé n’a pas de frontières, les territoires se superposent et le CLS s’adapte. Cela nous arrive par exemple de travailler avec des villes ou structures qui ne font pas partie du territoire du CLS, au service de la santé.

1Les diagnostics sont généralement en ligne sur les sites internet des territoires couverts par un CLS, ou sur demande auprès des chargées de mission

2 Formation à l’évaluation et à l’intervention de crise suicidaire

CLS Est-Morbihan

  • Département du Morbihan
  • Plus de 138 000 habitants
  • Le territoire est majoritairement rural et comprend désormais une partie littorale. Des différences dans les habitudes de vie, de mobilité et de consommation de soins distinguent les différents EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) du CLS.
  • 1er contrat signé en 2013, 2e en 2018 à l’échelle du Pays de Ploërmel (2 EPCI : Ploërmel Communauté, De l’Oust à Brocéliande Communauté).
  • 3e contrat en cours d’élaboration (signature le 14 septembre 2023), avec un élargissement du périmètre : 4 EPCI (Ploërmel Communauté, De l’Oust à Brocéliande Communauté, Questembert Communauté et Arc Sud Bretagne) et 3 communes (Camoël, Pénestin, Férel).

CLS du pays de Saint-Malo

  • Départements d’Ille-et-Vilaine et des Côtes-d’Armor.
  • Plus de 170 000 habitants.
  • Le territoire se compose d’une partie littorale et d’une partie rurale. Des disparités existent entre les EPCI du CLS, notamment en matière de santé et de ressources. Saint- Malo est la ville « siège » du CLS, située au nord du territoire, et centralise de nombreuses structures de santé.
  • 1er contrat en cours, signé en 2020. 
  • Regroupe 4 EPCI : communauté de communes Côte d’Emeraude, Saint-Malo agglomération, communauté de communes du Pays de Dol et de la baie du Mont-Saint- Michel, communauté de communes de la Bretagne Romantique.

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